Ensemble est un faux-ami : est-ce la faute aux mathématiques ?
Il promet, ou semble promettre, une unité alors même qu’il signifie d’abord un rapport à l’autre.
Un rapprochement entre différents, une confluence.
En premier lieu, l’adverbe ensemble signale une coexistence dans un espace et un temps : l’un avec l’autre, les uns avec les autres.
L’adverbe vient ainsi qualifier une action, qui inscrit des acteurs différents dans un même mouvement : voyager, manger, boire, rire, travailler, vivre… ensemble.
Agir ensemble produit une dynamique propre qui, dans une situation précise et à un moment précis, constitue une forme d’unité circonstancielle.
Cette unité relève de l’assemblage in situ, dans lequel les éléments qui le constituent conservent leur différence tout en participant à un tout.
Ce qui va relier entre eux les acteurs, c’est une action qui fait place à l’un et à l’autre, aux uns et aux autres, avec leurs façons de faire.
La logique de l’ensemble diffère en cela de celle de la communauté, qui fonde l’appartenance sur une particularité partagée et qui préexiste.
Un ensemble ne tient que par le mouvement qui réunit des uns et des autres qui ne se confondent pas.
Sans quoi ça fait bloc, au risque de figer le mouvement, et de perdre le sens.
C’est une certaine distance entre les acteurs, leur différence, qui donne du jeu à leur rapport, un rapport qui travaille, et qui les travaille.
On peut nommer conflictualité cette ressource de l’être ensemble, qui autorise les désaccords, subsume les tensions, soutient les singularités, et génère les inventions.
Daniel Migairou, décembre 2019