Partir

Se pose avec insistance la question du départ.

C’est ce qui s’est fait entendre récemment : possibilité de partir en vacances, conditions de départ à la retraite.

Dans les deux cas, c’est bien le travail qui est au centre, et la question d’échapper à son emprise croissante.

Comment faire coupure dans des existences saturées de continuité ?

La vacance indique une absence, un vide, et la retraite, une prise de distance.

Redonner de l’espace, rendre possible l’écart.

Il se trouve que c’est précisément là le premier sens de partir : séparer, diviser.

Avant de signifier un déplacement, partir marque une séparation.

Une façon de se distinguer du tout qui englobe, unifie et indifférencie.

Car la cohérence toujours plus dense de nos modes d’organisation finit par induire une immobilité paradoxale.

Peut-être la question du départ porte-t-elle moins sur des lieux ou des environnements à quitter que sur des façons d’être à remettre en mouvement ?

Partir, c’est alors couper avec des habitudes qui attachent, rompre avec une logique purement répétitive.

Ce départ-là est toujours nouveau.

Il ouvre sur l’inconnu, l’imprévu, l’impréparé.

Héraclite, au VIème siècle avant notre ère, précise : Si tu n’attends pas l’inattendu, tu ne le trouveras pas (Fragment 18).

Y aurait à l’origine du mouvement l’inattendu ?

L’étonnement comme point de départ ?

La possibilité d’une ouverture ?

Daniel Migairou, janvier 2020