Vacance, invention
La nature a horreur du vide, répétons-nous, depuis Aristote.
Or, ce qu’ignorait Aristote, et que nous, nous savons, c’est que le réel est plein de vide.
Aussi bien dans les atomes que dans l’espace intersidéral, la matière maintient toujours du vide entre ses parties.
Qui plus est, nous savons aujourd’hui, grâce aux découvertes des physiciens du XXème siècle, que le vide crée sans cesse de la matière.
Non seulement la matière tolère le vide, mais elle en est issue.
Qu’est-ce qui justifie alors la persistance de cet aphorisme ?
Ne serait-ce pas plutôt la nature humaine qui a horreur du vide ?
Dans le langage courant, un vide est un espace dépourvu de matière, un lieu où il n’y a rien, une partie de l’espace où il manque quelque chose, une absence.
Un vide se définit négativement, et indique ainsi une focalisation sur la matière, sur le plein.
Ce qui peut mener à fuir les espaces vacants et le temps libre, pour pousser au remplissage, à l’occupation optimale, parfois jusqu’à saturation.
On pourrait tout aussi bien considérer le vide d’un autre point de vue : comme un espace libre, comme un potentiel.
Encore faut-il pour cela supporter ces autres formes du vide que sont : le creux, le silence, l’ennui, l’oubli, la faille.
Et se souvenir que, dans la nature, le vide est ressource du nouveau.
Que dans l’espace vacant, dans la vacance même, donc, peut advenir l’inattendu.
Quelque chose y vient parfois, dans le vide, qui fait surprise.
Inventer vient du latin invenire, qui signifie créer, imaginer, mais aussi venir dedans.
Créer, résoudre, trouver des solutions sont autant d’activités qui ne se réduisent pas à une réorganisation du plein, mais passent par un vide : une vacance du vouloir.
Daniel Migairou, août 2019