Une épreuve
Le travail est au commencement des sociétés humaines.
Pour se protéger des dangers de la nature et réguler les liens entre eux, les humains domestiquent le feu, fabriquent des outils, construisent des habitations, et élaborent des lois et des règles.
C’est ce que montre Sigmund Freud dans Malaise dans la civilisation (1929) : la civilisation garantit et distribue des places différenciées en échange d’un renoncement pulsionnel.
Dans le processus de civilisation, le travail articule action et activité.
Il est une action qui porte sur la transformation du réel, produit des effets dans le monde, et contribue à créer de la valeur.
Il est aussi une activité, qui sollicite de chacun un investissement, des efforts, des apprentissages, mais aussi lui donne une place et l’inscrit dans des relations à l’espace commun.
L’activité de travail fait expérience et permet de constituer des savoirs.
Comment aujourd’hui l’organisation du travail prend-elle en compte cette double dimension d’action et d’activité ?
L’action conduit à la question du sens et l’activité à celle de l’épreuve.
Là où le sens est mis en crise, la dimension vivante du travail en prend d’autant plus d’importance.
Car, s’il devient impossible d’éprouver son savoir dans l’expérience, le poids des efforts consentis est-il encore supportable ?
Dans l’édition, on parle de lecture sur épreuve : c’est le moment où l’auteur donne son accord pour impression.
Il engage sa responsabilité, et signe.
Quelle place les nouveaux modes d’organisation donnent-ils à la marque de fabrique de celui ou celle qui a réalisé le travail ?
Dans laquelle il ou elle peut se reconnaître ?
Daniel Migairou, avril 2019